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Jean-Marc Rapp : "Dans la compétition des Idex, les jeux ne sont pas faits !"

Camille Stromboni Publié le
Jean-Marc Rapp : "Dans la compétition des Idex, les jeux ne sont pas faits !"
Jean-Marc Rapp. Président du jury Idex, ce professeur à l'université de Lausanne a présidé l'EUA (European University Association) jusqu'en 2012 // ©  Jean-Marc Rapp
L'heure est venue de passer l'oral pour les 20 pôles universitaires candidats aux Initiatives d'excellence. À la clé : les intérêts de 3,1 milliards d'euros. Pour le président du jury Idex-Isite, Jean-Marc Rapp, si le potentiel scientifique est un critère important, l'ambition compte aussi.

Les auditions de sélection des porteurs des Initiatives d’excellence débutent le 20 avril 2015. Qu’est-ce qui a changé pour cette nouvelle saison, par rapport au premier programme des investissements d’avenir ?

Le gouvernement a décidé d’ouvrir un second volet dans ce concours : outre les Idex [Initiatives d’excellence], il y a désormais les Isite [Initiatives science, innovation, territoires, économie]. Il s’agit non pas de sélectionner des projets moins exigeants, en termes de qualité, mais de primer des dossiers dont le spectre scientifique est moins large.

Si une Idex représente le projet d’un ensemble d’institutions ayant vocation à atteindre une visibilité internationale dans un grand nombre de domaines – comme dans les grandes universités internationales, où l’excellence s’étend à une gamme de disciplines importante –, une Isite donne sa chance à des porteurs qui n’ont pas un tel niveau partout mais seulement dans quelques secteurs.

Le lien avec le monde économique et le territoire est primordial dans les Isite. Comment comptez-vous l’évaluer ?

Ces projets doivent en effet être particulièrement connectés avec leur territoire, c’est-à-dire le monde économique et socio-culturel. Il s’agissait déjà de l’un des 12 critères de l’Idex et c’est toujours le cas. Nous allons donc regarder de près ce qui est proposé, à commencer par les synergies avec les points forts de la région et la logique entre les domaines présentés et le territoire.

Quel est l’objectif de ces auditions ? Entre le dossier écrit et ce grand oral, comment se prend la note finale ?

Les auditions visent à compléter l’analyse des dossiers, en donnant l’occasion aux équipes de présenter leurs projets au jury et d’éclaircir les points sur lesquels nous pourrions avoir des questions.

Il n’y a pas de formule mathématique qui voudrait que l’examen du dossier aurait tel poids et l’oral tel autre, c’est une démarche d’ensemble. Nous avons passé des dizaines d’heures sur les dossiers, en notant les 12 critères. Il s’agit de projets complexes, alliant formation, recherche, pédagogie, valorisation du savoir, transfert de technologie, politique de ressources humaines, etc. Nous regardons tous ces aspects.

Le campus de l'université Joseph Fourier à Grenoble @service com UJF-Grenoble

La recherche n’est-elle pas prioritaire, ce qui peut donner le sentiment que  tout est joué d’avance, tous les pôles n’ayant pas le même potentiel ?

Non, les jeux ne sont pas faits ! Bien sûr, la question du potentiel scientifique, de l’excellence et des performances actuelles est importante, mais l’ambition aussi. Des sites peuvent opérer des choix très convaincants sur leur trajectoire. Et si maintenant ils n’apparaissent pas exactement à la hauteur, le dossier et sa dynamique peuvent montrer qu’il est tout à fait raisonnable de penser qu’ils vont l'être très vite.

L’impact pour les étudiants a pu apparaître comme un critère secondaire lors du précédent appel. Est-ce toujours le cas ?

Tout d’abord, il faut être bien conscient que les résumés d’appréciation que nous rendons aux candidats entre les différentes phases de sélection, qui auraient pu donner ce sentiment, sont extrêmement simplifiés, alors que notre jugement porte sur l’ensemble des critères.

L’enseignement, la formation, l’innovation pédagogique ne sont en rien absents de nos préoccupations pour l’Idex, qu’il s’agisse de ce second programme ou du précédent.

Cela dit, l’ambition du programme Idex, telle que définie par les gouvernements successifs, qui sont restés sur la même ligne, est de faire émerger de grandes universités de recherche compétitives à l’international. Il est donc normal que la place de la recherche soit importante.

L’enseignement universitaire a tout de même cela de particulier qu’il est fondé sur la recherche, il y a donc continuité. Néanmoins, nous savons que, dans certains cas, les préoccupations scientifiques passent à l’avant-plan et que l’enseignement est moins valorisé, c’est un sujet de préoccupation dans le monde entier.

Il ne s’agit pas de faire une comparaison entre ce qui a été présenté il y a quatre ans et aujourd’hui. C’est un deuxième concours !

Certaines règles ont-elles changé pour cette vague de sélection des Idex ?

Non. Les termes du concours sont les mêmes. De la part du gouvernement, c’est un souci de cohérence et d’égalité de traitement entre les participants.

La gouvernance demeure un critère primordial, avec pour cette saison 2 une nouveauté : la mise en route des regroupements prévus par la loi sur l’enseignement supérieur de l’été 2013. Qu’attendez-vous des candidats sur cette question ?

Le jury vérifiera que les modalités de gouvernance choisies sont cohérentes avec la trajectoire envisagée. Il s’agit d’évaluer si les ambitions affichées sont crédibles par rapport aux moyens de gouvernance que le site s’est donnés. Par exemple, si tous les sujets exigent des décisions à l’unanimité, cela implique que si un seul participant vote contre, tout s’arrête.

En revanche, nous ne donnons jamais de bonnes ou de mauvaises notes quant à la procédure juridique choisie.

Les candidats à l’Idex ont tous déjà candidaté lors de la première vague. Attendez-vous d’eux un bilan par rapport aux projets présentés il y a quatre ans ?

Nous sommes en mesure de porter un regard neuf sur les dossiers. Tous seront évalués selon les mêmes critères et avec la même attention. Les résultats obtenus lors de l’Idex 1 ne seront ni un avantage ni un désavantage, puisqu’ils ne seront pas pris en compte.

Dans certains cas, les périmètres et les acteurs ont d’ailleurs changé. Mais de toute façon, il ne s’agit pas de faire une comparaison entre ce qui a été présenté il y a quatre ans et aujourd’hui. Nous n’attendons pas un bilan, c’est un deuxième concours !

Les candidats ont cette fois-ci l’avantage d’être dans une situation de relatif confort par rapport à la première vague d’Idex, car ils sont moins dans l’inconnu.

Le jury a de son côté plus de recul sur ce qui a été véritablement mis en œuvre par les candidats ces dernières années. Les équipes ne doivent-elles pas mettre en avant les réalisations communes ?

Chaque site a été prié d’expliquer sa démarche et ses choix. Beaucoup de dossiers le font notamment en décrivant ce qui a été fait sur les axes stratégiques qu’ils défendent. Des collaborations avec des entreprises, des prix obtenus par des chercheurs, des récompenses scientifiques du Conseil européen… Tous ces facteurs significatifs de succès, nous en tenons compte évidemment.

Peut-on encore parler d’une dynamique d’excellence pour cette deuxième saison, alors qu’il s’agit de sélectionner des candidats que vous avez écartés lors de la première compétition ?

L’excellence n’est pas gravée dans le marbre une fois pour toutes : des sites peuvent progresser de manière spectaculaire. Des universités très réputées dans certains pays étaient inconnues il y a trente ans. Il me semble tout à fait logique d’organiser ce concours sur la durée.

Camille Stromboni | Publié le